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Classé au patrimoine immatériel de l’UNESCO, le Centre Culturel Coréen met à l’honneur les Haenyeo, plongeuses traditionnelles de l’île de Jeju, à travers une exposition mêlant vidéo, documentaires, photographies et objets du quotidien. Une immersion sensible dans une culture maritime unique, à découvrir jusqu’au 6 septembre 2025.
Par Eléonore.P
Les Haenyeo, femmes de la mer et gardiennes de Jeju
Au large de l’ile de Jeju, les Haenyeo – femmes de la mer – plongent chaque jour depuis leurs 15 ans, atteignant la quiétude des fonds marins pour y pêcher toutes sortes de crustacés. Cette pratique vieille de plusieurs millénaires s’inscrit dans la longue et noble histoire de femmes qui ont dédié leur vie à l’océan.
Pour comprendre Jeju, il faut considérer trois éléments fondamentaux : ses roches, son eau et ses femmes. Devenir une Haenyeo est un appel de la mer, elles en sont les gardiennes. Aucune formation ne vous sera enseignée, l’échelle d’une vie est nécessaire afin comprendre la mer, ses ressacs, son environnement.
Cette plongée particulière porte un nom singulier : muljil. Chaque Haenyeo conçoit ce mot comme un quotidien de sept heures de plongée en apnée par jour, 90 jours par an, toutes saisons confondues. Chaque plongée se ritualise des mêmes gestes : une longue inspiration qui maintiendra leur souffle jusqu’à deux minutes pour les plongeuses aguerries (Sanggun), un sifflement aigu s’échappera à chaque remontée, murmuré comme une ode à la mer.
copyrigt : Eléonore.P
À travers une diversité de propositions artistiques, cette exposition trace une cartographie intime du quotidien des Haenyeo. Née sur l’île de Jeju, l’artiste Jane Jin Kaisen puise dans la mémoire mouvante de ses origines pour saluer la beauté sauvage de la nature, elle exhume l’attirail de pêche des Haenyeo, laissant planer une atmosphère mystique dans laquelle une pelure de fruit se transforme en reliquat d’une glorieuse expédition. Quelques morceaux de filets de pêche, un gant, une coquille d’huitre deviennent alors amulettes, offrandes abandonnées aux divinités de l’océan.
Jean-Julien Pous tisse un fil poétique entre les rives : celui des haenyeo de Jeju et des bergères des Pyrénées, toutes deux façonnées par la rudesse des éléments et l’héritage des gestes transmis. Le documentaire sensible de Koh Hee-young nous entraîne au cœur d’une vie suspendue entre les marées — entre silence et souffle, entre survie et abandon. Son œuvre dialogue avec celle du collectif visuel ikkibawiKrrr, qui ravive l’âme sonore de l’île en faisant résonner les chants ancestraux des plongeuses.
ikkibawiKrrr Seaweed Story, series of ‘Seaweed’ sculptures, 2022 © ikkibawiKrrr
Les portraits du photographe Kim Hyung-sun capturent la force nue de ces visages burinés par le sel : regards droits, peaux tannées, lèvres closes sur des récits de labeur et de liberté. Ces photographies à échelle humaine nous assomment par l’épaisseur des histoires vécues, et le courage gravé dans chaque ridule, chaque iris.
Kang anok_Hamo_Jeju 2014
Dans ses installations, Joung Sang Gi évoque les sources d’eau douce de Jeju — oasis discrètes et sacrées, miroirs du lien organique entre terre et mer, corps et souffle. Enfin, Jang Minseung s’élève, pas à pas, sur les pentes du mont Halla, offrant à l’objectif la lente respiration des paysages traversés — minéraux, brumeux, infinis.
Ainsi s’orchestre cette traversée en eaux douces : au rythme des vagues, dans la mémoire vivante de femmes qui plongent non pour fuir le monde, mais pour mieux s’y ancrer.