Les vacances au « bled », quel délice ! Comme d’éternels inlassables, vous êtes nombreux et nombreuses à ne pas vouloir déroger à la règle du retour aux sources. Un retour sur la terre de nos ancêtres encore plus apprécié, notamment après les répercussions de la crise sanitaire dans le secteur du tourisme.
Cet été et bien plus que d’habitude, surtout après la crise sanitaire, vous vous apprêtez à retrouver, la terre de vos ancêtres et surtout celle de vos souvenirs. Marrakech, Sfax, Alger… Gazelle est allé à la rencontre de celles qui ne peuvent envisager un été sans partir au pays. Alors, attachez vos ceintures et préparez vous au décollage !
L’euphorie du départ
Voici venu le temps des grandes vacances, fini le « train train » quotidien, place à la détente mais, avant le jour « j », il faut faire les réservations du billet d’avion ou de bateau, acheter les cadeaux, faire les valises…Préparer son départ n’est pas une mince affaire, surtout quand il s’agit d’aller au bled. D’ailleurs, chacun sait qu’il se retrouvera avec des bagages dont le poids excèdera le nombre autorisé. Nadia est algérienne, elle a 25 ans et part tous les ans à Oran. Comme beaucoup, elle aime les ambiances de voyage. « Je compte les mois, les jours, les heures et même les minutes. Généralement, nous prenons l’avion. Cependant, je me souviens, nous étions partis,une fois en bateau, en famille. Mon père avait chargé la voiture à raz sans oublier d’entasser des valises sur le porte bagages et pour gagner de la place, il avait pris soin de retirer les sièges arrières. Mes deux soeurs et moi étions assises sur des sacs. Jusqu’à Marseille nous devions prendre notre mal en patience. Pendant tout le trajet nous n’arrêtions pas de nous plaindre et de nous battre, avec la chaleur et la fatigue du trajet cela n’a fait qu’énerver plus nos parents. Quand je repense à de telles situations je ne peux m’empêcher de rire finalement je me dis que le bled vaut bien toutes ces petites souffrances. En effet, l’accueil qui nous est réservé à notre arrivée est très chaleureux. »
Une seconde patrie
Ah, le bled, la plage, les retrouvailles familiales, les promenades, les mariages, personne ne peut oublier ces ambiances si particulières et tellement propices à la détente. Pour toutes ces raisons et pas seulement, il est presque impossible de concevoir une année sans aller faire un tour du côté de ses origines. Malika a 24 ans. Elle est née en France mais, depuis sa venue au monde, elle part tous les ans se ressourcer auprès de sa famille qui vit à Alger. Elle nous raconte pourquoi elle aime tant passer ses vacances dans cette ville. « J’aime ce pays, je n’ai pas eu l’occasion de visiter beaucoup d’endroits en Algérie mais, le peu de lieux que je connaît me permet de dire que c’est un pays merveilleux ! Je ne regrette jamais mon retour et cela malgré les petites querelles entre cousins et cousines, souvent liées à des divergences d’opinions. Là-bas, je me sens comme en France avec le racisme en moins. Je suis fière et heureuse de me promener dans les rues en me disant qu’ici, au moins je ne subirai aucune discrimination raciale. Seul petit point noir, peut être : impossible de marcher tranquillement sans être sifflée ou parasitée par quelques « hetistes » (ceux qui tiennent les murs). Parfois, il m’arrive de ne pas pouvoir partir et à ce moment, là, je déprime et suis triste durant tout l’été. Je deviens alors nostalgique et me remémore tous les bons moments que j’ai passé. »
Le mal du pays
Certains, envisagent le « bled » uniquement dans le but de passer un court séjour et d’autres, comme Saadia (31 ans marocaine), rêvent de retrouver leurs pays natals. Cette dernière s’est installée en France depuis 6 ans pour faire ses études d’infographie. Pour pallier à son manque, elle retourne régulièrement à Agadir où vivent ses parents.
« En France, je suis bien entourée. Mes frères et soeurs me couvent et s’assurent que je ne manque de rien. D’ailleurs, je les remercie car sans eux, je n’aurai jamais pu surmonter toute seule d’être loin de mon pays et surtout des gens que j’aime. Je me sens bien grâce à eux, ils font tout ce qu’ils peuvent pour que je me sente bien. Cependant, il m’arrive, lorsque, je suis un peu fatiguée moralement, de repenser au bon vieux temps, à cette insouciance portée vis-à-vis du lendemain… A vrai dire, ce qui me manque surtout c’est le mode de vie de ma région. A Agadir, tout le monde ou presque se connaît. Nous sommes solidaires et si quelqu’un traverse une mauvaise passe, il verra toujours une main tendue vers lui contrairement à la société française qui est trop individualiste à mon goût. Auparavant, je ne savais pas ce que signifiait concrètement la “course à l’argent”, le stress, la déprime, aujourd’hui je vis toutes ces situations. En fouillant dans mes souvenirs, je revois toutes les fois qui m’ont fait sourire, peur et même pleurer. En pensant à ma jeunesse et à certaines anecdotes, je prends alors conscience que tout ceci fait parti du passé et je me console en me répétant que l’avenir sera peut-être meilleur. »
Souvenirs, souvenirs
Le poids des souvenirs n’est pas toujours insupportable. Parfois même s’ils n’ont pas toujours été bons, ils permettent de prendre du recul par rapport à certaines situations.
Rachida âgée de 30 ans est algérienne. Elle n’est pas retournée dans la terre natale de ses parents depuis environ une dizaine d’années. Elle se souvient de l’époque où elle partait avec sa mère et ses deux frères à Maghnia vers la frontière Algéro- marocaine. « Malheureusement, je n’ai pas uniquement que de superbes souvenirs du bled, en mémoire. Par ailleurs, je me souviens de quelques petites mésaventures qui, avec les années me font sourire. J’ai une histoire qui me revient en tête : une fois, nous étions à la plage, en famille. Après plusieurs heures passées à dorer sous le soleil, je décide enfin d’aller me baigner, non pas que je sois une grande fanatique de natation mais, j’avais trop chaud et je voulais me rafraîchir. Visiblement, je n’étais pas la seule ! En effet, je crois qu’un bon nombre de jeunes hommes étaient dans mon cas, puisqu’à peine levée, j’ai senti les regards converger vers moi et d’un seul coup une horde humaine s’est précipitée dans l’eau. Je n’en croyais pas mes yeux. Je ne savais pas pourquoi ils aveint tous réagis de cette manière. J’ai d’abord pensé qu’ils étaient tous victime d’une insolation collective provoquée par une exposition trop prolongée au soleil. Seulement, je fus rapidement fixée sur leurs intentions, quand soudain la main audacieuse, d’un jeune homme s’est posée sur ma jambe. Il était sous l’eau et croyais certainement que je n’y verrai que du feu. Le pauvre, ne savais pas à qui il avait à faire et à peine le visage hors de l’eau, je lui mis mon poing dans la figure ! Je ne sais pas ce qui m’avait pris mais, je devais sûrement être fatiguée d’avoir à déjouer les tours des “serials dragueurs du bled”. Bien que mes frères soient venu calmer les esprits, je n’arrivais pas à croire que j’avais pu semer le trouble à ce point là et malgré moi». Souvent, tout ne se passe pas comme prévu, mais cela rend la vie plus palpitante, voire attrayante. Souad à 24 ans et part tous les ans chez ses grands parents à Alger. Elle n’a jamais raté une seule opportunité de s’y rendre et comme de nombreuses personnes, elle reste attachée à ses souvenirs. « Je suis très accrochée aux valeurs et à la culture de mon pays d’origine. Ma grande soeur, Fatiha et moi n’avons que deux ans d’écart. Pendant notre enfance et jusqu’à l’adolescence, nous étions toujours ensemble et fréquentions les mêmes amis. Chaque été, nous n’avions qu’une seule hâte : celle de retrouver le « vrai soleil », la plage, la famille et surtout nos copains et copines avec lesquels nous gardions contact même quand nous étions en France. Parmi ces personnes, il y avait une fille, Sihem, que nous apprécions beaucoup et avec qui nous partagions le moindre petit secret. Nous étions toujours chez l’une et l’autre, parfois jusqu’à des heures très tardives. D’ailleurs, un soir, ma grand-mère avait oublié de venir nous signaler qu’il fallait rentrer, (elle s’était endormie devant un film « massri » (égyptien)). Quand nous décidâmes de rentrer, il était deux heures du matin ! Rester aussi tard hors de la maison c’était inconcevable auparavant et pourtant nous venions de franchir un cap. Cependant, le pire restait à venir. En effet, nous n’avions pas les clés de la villa et nous ne voulions pas réveiller tous ses résidants. Je revois encore ma soeur me lancer son fameux regard qui sous entendait « il va falloir se débrouiller autrement ». Nous tremblions mais, en même temps étions prises d’un éclat de fou rire qui nous empêchait de réfléchir. Un instant, Fatiha s’est tu et me lança sur un ton dramatique, « je crois que nous sommes obligées d’escalader le mur ». D’habitude je réfléchis avant d’agir mais, la situation était trop critique, alors sans hésiter j’ai suivi l’impulsion de ma soeur. Une fois dans le jardin nous étions soulagées de ne plus être dans la rue. Par contre, nous avions fait trop de bruit et ma grand-mère c’était réveillée En ouvrant la porte de la maison, elle s’est écriée « vous rentrez seulement maintenant, allez dormir mais demain vous aurez des explications à me fournir ». Conscientes, de sa colère, nous n’avons pas réussi à fermer l’oeil de la nuit et pensions sans arrêt au lendemain. A notre réveil, nous étions surprises de n’entendre aucun reproche ni aucunes réprimandes par rapport à la mésaventure de la veille, ma grand-mère avait décidé d’enterrer l’histoire ».
La fin des beaux jours
Vous passiez vos vacances sans l’ombre d’un souci et pourtant un nuage que vous aviez refoulé, vient griser votre morale. Vous saviez que le retour en France était inéluctable mais, tellement plus préoccupé à profiter de chaque instant, vous l’avez complètement mis de côté.
Fatiha, 25 ans se réserve chaque année deux semaines de farniente dans un bungalow sur les plages tunisiennes. Elle profite de tous les moments en compagnie de quelques membres de sa famille. « Pour moi les vacances signifient pas de travail, pas de ménage, repos, amusements… Je ne fais pas attention au temps qui passe, j’oublie tous mes problèmes (du moins j’essaye). Avec mon entourage, nous passons quelques jours à la plage, loin de la jungle urbaine et à l’abri de toutes ambiances citadines. Pour nous c’est une bonne façon d’évacuer tout le stress accumulé durant l’année. Je me ressource ainsi, j’aime la nature et le bruit des vagues me fait rêver à un monde meilleur. Cependant, mêmes les plus belles choses ont une fin, je me laisse complètement bercer par cet environnement et j’en oublie les jours qui défilent. Pour moi les départs sont synonymes de mélancolie et le fait d’y penser sans arrêt ne fait que gâcher les bons moments que je partage avec les personnes que j’apprécient. Je m’efforce de ne pas voir plus loin que l’instant présent et quand le moment est venu de mettre les voiles, je me console tant bien que mal en me répétant cette fameuse phrase «il faut partir pour revenir ».
Les destinations de rêves à prix bradés ne manquent pas sur le net et pourtant vous restez amoureux fous de votre « bled », quelle fidélité ! A croire que les charmes du Maghreb retiennent en captivité ceux et celles qui osent s’y aventurer. A chacun son « bled » et quel que soit l’endroit, vous ne cessez de répéter à qui veut l’entendre : « j’aime mes origines et j’en suis fier ». Seulement, parfois le cœur est tiraillé entre le lieux où l’on vit et la terre de nos ancêtres et il est impossible de dire quel est le pays que l’on préfère. Après tout, est il vraiment nécessaire de faire un choix entre deux types de cultures différentes et d’ailleurs ne sommes nous pas avant tout « citoyen du monde » à part entière ?